Retour à San Francisco
Cameron adorait compter. Il vomit dix-neuf fois entre Hawaii et San Francisco. Il aimait compter tout ce qu’il faisait. De nombreuses années auparavant, lorsque Greer avait rencontré Cameron, il avait trouvé cette manie exaspérante. Mais il s’y était habitué peu à peu. Il l’avait bien fallu car il aurait risqué d’en perdre la raison.
Parfois, les gens se demandaient ce que Cameron pouvait bien être en train de faire, et Greer disait : « Il compte quelque chose. » Et les gens demandaient : « Mais qu’est-ce qu’il compte ? » Greer répondait : « Qu’est-ce que cela peut bien vous faire ? » Alors les gens disaient : « Oh. »
D’habitude les gens s’en tenaient là, car Greer et Cameron possédaient une assurance intimé dante ; d’apparence à la fois solides et détendus, ils rendaient les gens nerveux.
Greer et Cameron étaient visiblement des hommes capables de se sortir de n’importe quelle situation avec le maximum d’effet pour le minimum d’effort.
Ils n’avaient l’air ni dur ni méchant. Ils ressemblaient plutôt au produit de la distillation de ces deux qualités. Ils semblaient vivre dans l’intimité de quelque chose que les autres ne pouvaient percevoir. Bref, ils ne manquaient pas de présence. On n’avait pas envie de se frotter à eux, même si Cameron passait son temps à compter, par exemple qu’il avait vomi dix-neuf fois entre Hawaii et San Francisco. Ils gagnaient leur vie à tuer les gens.
Au cours de la traversée, Greer demanda : « T’en es à combien ? »
— 12, répondit Cameron.
— Et à l’aller ?
— 20.
— Et ça donne quoi ? demanda Greer.
— Match nul.